Par Vincent Carter
Alors que le régime de Félix Tshisekedi en République Démocratique du Congo (RDC) vacille sous le poids des crises internes, des échecs militaires et d’un isolement diplomatique grandissant, une question stratégique émerge : le Burundi, allié silencieux et pivot régional dans l’ombre des conflits congolais, pourra-t-il maintenir son influence et sa stabilité après la chute probable du président congolais ?
Le rôle du Burundi : une base arrière officieuse des conflits de l’Est
Depuis plusieurs années, le Burundi est soupçonné d’abriter et de soutenir logistiquement plusieurs groupes armés actifs dans l’Est de la RDC, notamment :
- Les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), un groupe armé hutu historiquement hostile au régime rwandais.
- Les Wazalendo, milices congolaises dites “patriotiques”, qui se présentent comme défenseurs de la souveraineté congolaise face au M23 et aux influences étrangères.
- Une présence plus discrète mais troublante de mercenaires colombiens, opérant dans les zones frontalières, parfois recrutés pour leur expérience en guérilla urbaine et dans les jungles.
Ce rôle de “base arrière” n’est pas officiel, mais les rapports confidentiels et les témoignages sur le terrain convergent : des cargaisons d’armes transitent par le Burundi, des combattants y trouvent repos, formation, et coordination stratégique.
Un partenariat discret mais vital avec Kinshasa
Durant le mandat de Félix Tshisekedi, les relations entre Kinshasa et Gitega (capitale burundaise) se sont renforcées sur plusieurs fronts :
- Coopération militaire non déclarée, avec des échanges d’officiers et du soutien logistique en off.
- Facilitation des mouvements de troupes et de matériel à travers les provinces frontalières du Sud-Kivu.
- Une tolérance politique mutuelle, dans un contexte où les deux régimes font face à des critiques internes et internationales.
En retour, Kinshasa a fermé les yeux sur certaines violations frontalières et sur l’implication présumée du Burundi dans des trafics transfrontaliers (or, armes, ressources stratégiques).
La chute de Tshisekedi : un coup dur stratégique pour le Burundi ?
La fin du régime Tshisekedi, si elle se confirme, mettrait en péril cette alliance tactique. Plusieurs scénarios sont envisagés :
- Le nouveau pouvoir à Kinshasa pourrait revoir ses alliances régionales et choisir de se rapprocher de Kigali, marginalisant Gitega.
- Les FDLR et Wazalendo pourraient perdre leur couverture diplomatique, se retrouvant exposés à des offensives coordonnées.
- L’implication présumée du Burundi dans le conflit pourrait devenir un casus belli régional, justifiant une réponse militaire conjointe de la SADC ou d’autres forces régionales.
Un isolement diplomatique grandissant pour le Président Évariste Ndayishimiye ?
Le Burundi, déjà fragilisé sur la scène internationale pour des accusations de violations des droits humains et de répression politique, pourrait se retrouver davantage isolé. La chute de Tshisekedi signifierait la perte d’un précieux allié à Kinshasa, mais aussi la remise en cause de toute sa stratégie régionale d’influence militaire indirecte.
Conclusion : survie par adaptation ou isolement
Le Burundi a, jusqu’ici, joué un rôle en équilibre entre discrétion et implication régionale. Mais sans le soutien de Kinshasa, sa stratégie de “projection armée par procuration” pourrait s’effondrer.
Sa survie politique et diplomatique dépendra de sa capacité à :
- Réorienter ses alliances en se rapprochant d’un éventuel nouveau pouvoir congolais.
- Démontrer une rupture avec les groupes armés présents sur son sol.
- Jouer la carte diplomatique pour éviter d’être désigné comme acteur déstabilisateur majeur de la région.
En bref, la chute de Félix Tshisekedi pourrait bien être le début d’un isolement stratégique pour le régime burundais, à moins qu’il ne parvienne rapidement à recalibrer sa posture régionale.
Par Vicent Carter