Par Vincent Carter

Ils sont aujourd’hui tous les trois derrière les barreaux. Le général John Tshibangu, le général Franck Tumba et le général Christian Tshiwewe. Officiellement détenus pour des faits distincts mais liés, ils se retrouvent au centre d’une même question, lourde de conséquences politiques et sécuritaires : ont-ils été impliqués, de près ou de loin, dans une tentative de faux coup d’État, un projet d’assassinat du président Félix Tshisekedi et le détournement de plus d’un milliard de dollars de fonds militaires ?

Une affaire tentaculaire, aux ramifications multiples, où la frontière entre vérité judiciaire, luttes de pouvoir et manipulation politique reste floue.

Un faux coup d’État signé Christian Malanga… ou scénario fabriqué ?

Tout commence avec ce que les autorités présentent comme une tentative de coup d’État attribuée à Christian Malanga. L’opération aurait été rapidement neutralisée, puis largement instrumentalisée dans la communication officielle pour démontrer la vigilance du régime face aux menaces internes.

Mais plusieurs sources sécuritaires interrogées sous couvert d’anonymat s’interrogent : qui a réellement conçu ce scénario ?
qui en a tiré profit politique et institutionnel ?

Des documents internes consultés par notre rédaction laissent entendre que le récit officiel aurait évolué à plusieurs reprises, au gré des arrestations et des rapports de force internes.

John Tshibangu : exécutant, stratège ou bouc émissaire ?

C’est dans ce contexte que surgit le nom du général John Tshibangu. Longtemps discret mais influent, il aurait, selon certaines sources, joué un rôle de courroie de transmission entre différents cercles militaires et politiques.

Était-il l’architecte d’un complot ?
Un simple exécutant ?
Ou aujourd’hui le fusible idéal dans une guerre interne au sommet de l’État ?

Aucune preuve publique n’a pour l’instant été produite démontrant son implication directe. Pourtant, son arrestation et son transfert à la prison militaire de Ndolo suggèrent que les enquêteurs militaires le considèrent comme une pièce centrale du puzzle.

Tentative d’assassinat du président : la piste rwandaise, encore

Autre volet explosif : la tentative présumée d’assassinat du président Félix Tshisekedi, attribuée à des réseaux liés au Rwanda. Une accusation récurrente dans le discours sécuritaire congolais, mais rarement étayée par des éléments judiciaires rendus publics.

Selon plusieurs sources concordantes, certains officiers congolais auraient été soupçonnés d’avoir facilité ou couvert ces projets, directement ou indirectement. Le nom de John Tshibangu apparaît dans ces échanges internes, sans qu’il soit possible, à ce stade, de distinguer le renseignement avéré de la simple suspicion.

La menace était-elle réelle ou instrumentalisée pour justifier une purge ?

Le scandale des milliards de l’armée : Franck Tumba au centre

Le cœur financier de l’affaire se situe ailleurs : le détournement présumé de plus d’un milliard de dollars de fonds militaires, reproché au général Franck Tumba, ancien homme fort de la Maison militaire présidentielle.

Selon des sources proches du dossier, ces fonds auraient transité par des circuits opaques, liés à des marchés militaires et à des dépenses sécuritaires classifiées.
Le général Christian Tshiwewe est présenté par certaines sources comme complice ou facilitateur, tandis que John Tshibangu aurait été l’un des rouages du système, sans que son rôle exact soit clairement établi.

Qui contrôlait réellement ces flux financiers ?
Qui a donné les ordres ?
Pourquoi ces pratiques n’ont-elles été dénoncées que tardivement ?

Trois généraux en prison, mais une vérité toujours absente

Aujourd’hui, Tshibangu, Tumba et Tshiwewe sont détenus. Mais leur incarcération simultanée ne signifie pas nécessairement que la vérité a été établie.

Au contraire, plusieurs observateurs parlent d’une opération de verrouillage, destinée à :

  • neutraliser des figures devenues dangereuses,
  • refermer des dossiers trop sensibles,
  • et éviter que certaines révélations n’éclaboussent plus haut.

Une justice militaire sous pression

L’enquête se déroule dans un cadre opaque, sous l’autorité de la justice militaire, régulièrement critiquée pour son manque d’indépendance lorsqu’il s’agit de dossiers politiques.

Sans accès public aux preuves, sans débats contradictoires transparents, le risque est grand que cette affaire se solde par des condamnations sans vérité complète, ou par des silences négociés.

Les questions que l’enquête doit encore trancher

  • John Tshibangu a-t-il réellement manipulé les autres acteurs ou a-t-il été manipulé lui-même ?
  • Le faux coup d’État était-il réel ou monté de toutes pièces ?
  • Les milliards de l’armée ont-ils servi à enrichir quelques généraux ou à financer des opérations clandestines ?
  • Et surtout : qui protège encore qui ?

Tant que ces questions resteront sans réponses, l’affaire ne sera pas celle de trois généraux en prison, mais celle d’un système entier mis à nu.

À suivre. L’enquête continue