Par Vincent Carter

La chute de Goma face aux rebelles du M23 a révélé une crise de confiance majeure au sein des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC). À Kinshasa, l’état-major militaire manifeste une hostilité croissante à l’égard du président Félix Tshisekedi, qu’il tient pour principal responsable de cet échec militaire. Cette situation inédite met en lumière une profonde fracture entre le pouvoir civil et l’appareil militaire, posant la question de la stabilité du régime en place.

Depuis la perte stratégique de Goma, plusieurs généraux influents des FARDC ont exigé que le chef de l’État évite toute déclaration publique. Ce mutisme imposé a conduit à l’annulation de son discours, dans lequel il devait annoncer le passage de l’état de siège à l’état de guerre contre le Rwanda. Cette manœuvre révèle une contestation directe de l’autorité présidentielle, laissant transparaître une crise institutionnelle d’une ampleur inédite.

Les critiques des officiers supérieurs ne se limitent pas à la simple gestion de la guerre. Ils reprochent à Tshisekedi une négligence systématique face aux avertissements répétés sur l’état déplorable de l’armée congolaise. Selon eux, le président aurait ignoré les appels à moderniser les équipements militaires et à assainir la chaîne logistique, préférant confier l’approvisionnement des troupes à des intermédiaires civils corrompus. Cette gestion aurait aggravé la précarité des soldats sur le terrain, accélérant ainsi la débâcle de Goma.

Les conséquences de cette défaite sont lourdes. L’état-major des FARDC redoute désormais une avancée rapide des rebelles vers des villes stratégiques telles que Bukavu et Kindu. Une telle progression mettrait en péril l’ensemble du dispositif militaire dans l’Est du pays et ouvrirait la voie à un effondrement généralisé du front congolais.

Dans les coulisses du pouvoir, certains officiers murmurent déjà le mot de “haute trahison”. L’accusation est grave : elle suggère non seulement une faute politique, mais aussi une mise en danger volontaire de la souveraineté nationale. Pour ces militaires, Tshisekedi a non seulement failli à sa mission de commandant suprême des FARDC, mais il aurait également favorisé, par ses décisions, l’expansion de la menace sécuritaire.

L’impasse actuelle soulève la question de la cohésion au sein de l’armée congolaise. L’histoire récente de la RDC a déjà montré que lorsque les forces armées se retournent contre le pouvoir en place, le risque de déstabilisation est majeur. Tshisekedi, désormais fragilisé, semble pris au piège d’un appareil militaire qui ne lui accorde plus sa confiance.

L’annulation de son discours est un signal fort : les militaires ne veulent plus de simples promesses, mais des actes concrets. Une refonte urgente de la stratégie militaire, un renouvellement du commandement et une modernisation rapide des forces armées sont désormais incontournables. À défaut, la rupture pourrait être irréversible, entraînant le pays dans une crise politique et sécuritaire aux conséquences imprévisibles.

La chute de Goma ne serait alors que le prélude d’un chaos plus profond.